Parcours d'Education Artistique et Culturelle (PEAC)

L'Infâme -Acte II - Résidence du théâtre de l'Incendie au collège

Par GAELLE MOULIN, publié le dimanche 25 septembre 2022 17:45 - Mis à jour le dimanche 25 septembre 2022 17:45
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C'est parti pour la création de L'infâme ! Réservez votre journée du 18 novembre : le spectacle sera en représentation au Centre Culturel de La Ricamarie à 14h et 20h. 💥 On souhaite à toute l'équipe tout le meilleur pour cette création au Collège!

NOUVELLE CRÉATION / THÉÂTRE DE L'INCENDIE / C'EST PARTI !

L’INFÂME de Simon Grangeat

Mise en scène : Laurent Fréchuret

Avec : Louise Bénichou et Alizée Durkheim-Marsaudon

Et la voix de Flore Lefebvre des Noëttes

Assistante à la mise en scène : Louise Foret

Son : Pierre Lemerle

Studio enregistrement Nova Pista

Directeur de production : Slimane Mouhoub

Coproduction : Centre culturel de La Ricamarie

Partenaires : Le lycée professionnel régional Adrien Testud – Le Chambon-Feugerolles et le collège Les Bruneaux - Firminy

UNE PIÈCE D'ÉMANCIPATION

Tana est une jeune fille qui débute une formation de couture en apprentissage. Elle a quitté le domicile maternel et vit chez son employeuse, en échange d’heures supplémentaires à l’atelier. Elle a fui, plutôt, une mère qui la rendait malade. Elle a coupé les ponts. Se terre dans le silence et le travail à l’atelier.Au début de la pièce, au mois de septembre, Tana n’a pas spécialement d’appétence pour ces techniques dont elle ignore tout. Elle n’est pas très bavarde non plus. Elle sauve ou tente de sauver ce qui peut encore l’être, comme le ferait le rescapé d’une grande catastrophe.Plus les mois passent, plus Tana se consolide.Avec l’aide de sa patronne et de sa meilleure amie, Apolline, dans le silence de l’atelier et du travail manuel solitaire, elle va quitter les terreurs de l’enfance pour affronter sa vie. Pour affronter sa mère. La figure de sa mère. L’Infâme est une pièce d’émancipation. Elle débute dans la honte de soi, dans le sentiment d’humiliation et de désagrégation. Elle s’achève avec la victoire de la guerrière, ferme dans sa volonté de vivre et de se construire un avenir, pleine de force pour demain. Elle s’achève loin de l’amertume et du ressentiment. Entre les deux, des histoires de brodeuses, de couturières, de tisseuses ; des histoires de fils noués et de fils coupés. L’Infâme est une histoire de liens. Ceux qui nous brisent. Ceux dont on se libère. Ceux que l’on tisse. Simon Grangeat

NOUS HABITONS UNE SALLE DE CLASSE

Nous nous sommes rencontrés avec Simon Grangeat au Centre culturel de la Ricamarie où nous sommes artistes associés. Après plusieurs rencontres, plusieurs échanges, une plus grande connaissance de l’univers artistique de l’un et de l’autre - notamment à travers la lecture de textes - nous avons interrogé la possibilité, à partir des désirs et des obsessions de chacun, d’une collaboration autour d’un projet de création théâtrale. Un des points de convergence entre nos univers est l’intérêt que nous portons à l’adolescence et aux adolescents spectateurs. Cela m’a amené à proposer à Simon d’écrire une pièce de théâtre avec la perspective qu’elle soit jouée devant un public d’adolescents, collégiens et lycéens spectateurs.

J’avais le désir, de reconduire l’expérience (nous avions créé en 2019 : Qu’est-ce que le théâtre ? de Hervé Blutsch et Benoît Lambert) d’une création qui puisse être le produit d’une résidence dans un ou plusieurs établissements scolaires. Que cette création puisse être donnée aussi bien dans un collège que dans un lycée, dans le cadre de la salle de classe (qui constitue l’espace de jeu), sans technique, essentiellement fondée sur l’écriture et sur l’art de l’acteur.

L’INFÂME, nouvelle pièce de Simon Grangeat, se réalisera, en partenariat avec le Centre culturel de la Ricamarie, dans deux établissements scolaires ou sera partagée notre résidence : le Lycée professionnel régional Testud au Chambon-Feugerolles et le Collège Les Bruneaux à Firminy. Après un premier temps de résidence fondée sur d’écriture de la pièce au premier trimestre de l’année 22, Simon nous passe le témoin et l’ensemble de l’équipe investi à partir de septembre 2022 ces deux établissements durant huit semaines pour créer l’INFÂME.

Nous « habiterons » pendant huit semaines une salle de classe, devenue espace de répétitions puis de représentations, ouverte en permanence aux élèves, pour affirmer une forme de permanence artistique, proposer une parole poétique inscrite dans le concret du quotidien scolaire et sensibiliser au travail de création, élèves, artistes et pédagogues, dans un rapport renouvelé à l’acte théâtral, qui signifie inventer ensemble. L’Infâme sera donnée, pour une série de représentations dans chacun des deux établissements ou la pièce a été créée puis sera donnée ensuite en tournée. Laurent Fréchuret

« C’est par le verbe et l’acte que nous nous insérons dans le monde humain »

Hannah Arendt

EXTRAIT :

Tana - Tous les soirs, après l’atelier, madame Lesgret me donne des consignes.

Des conseils, plutôt.

Pour apprendre.

Que le chemin soit plus facile, elle dit.

J’ai jamais trop aimé l’école.

J’ai jamais trop aimé non plus qu’on me dise ce que je devais faire.

Je sais pas d’où ça vient.

Avec madame Lesgret, ça me gêne pas.

Je fais ce qu’elle me dit de faire.

Je fais des lignes.

Point avant. Point arrière.

Je ne réfléchis pas.

Je fais des ronds.

Point lancé.

Point d’épine.

Des fleurs.

Point de chaînette.

Point de bouclette.

Mirliton.

Point de poste.

Point de noeud.

Un soir, on est en décembre, je sais pas ce qu’il me prend

Je commence à écrire.

Au fil rouge.

Sur mon tambour.

Point arrière.

« JE NE SUIS PAS UNE VICTIME. »

Je réfléchis pas.

« JE NE SUIS PAS UNE VICTIME. »

J’ai l’impression de crier sur le tambour.

En même temps, je n’ai jamais été aussi calme.

Dedans.

La broderie, tu ne peux pas être énervée.

Sinon, ça ne marche pas.

J’écris précisément.

Chaque lettre.

Point arrière.

Je suis obligée d’être calme.

De respirer.

« JE NE SUIS PAS UNE VICTIME. »

Ça me fait du bien.

Le lendemain matin, quand je descends

Je demande à madame Lesgret s’il lui reste du fil rouge.

« Tu ne veux pas d’autres couleurs ? », elle demande.

Son sourire quand elle me regarde.

Elle me donne son carton.

Un carton remplit de fils saignants.

Je brode sur tout ce qu’il y a autour de moi.

Sur ma taie d’oreiller.

« JE NE SUIS PAS UNE VICTIME. »

Sur mon drap.

« JE NE SUIS PAS UNE VICTIME. »

Des dizaines de fois.

Point arrière.

« JE NE SUIS PAS UNE VICTIME. »

Des centaines de fois dans ma chambre, partout.

Sur le torchon.

Sur ma serviette.

Sur le gant de toilette.

Sur mes vêtements.

En majuscules.

Des heures à broder en silence.

Des heures joyeuses et paisibles.

Des heures solitaires.

Et puisTout à coup

Simplement

« JE SUIS. »

« JE SUIS. »

« JE SUIS. »